Cinéaste de la démesure, il a dominé sans conteste le cinéma allemand des années 70. Dès la sortie du Bouc (1969), le film d'emblée rend son auteur célèbre en Allemagne et lui vaut de nombreuses récompenses. En 1973, Tous les autres s'appellent Ali couronné au Festival de Cannes lui offre une large diffusion internationale.
Il réussit son célèbre pari en 1976 : réaliser trente films avant de dépasser l'âge de trente ans. Malgré l'importance de l'oeuvre tant au théâtre qu'au cinéma, ce n'est qu'à la sortie de son 33ème long-métrage Le Mariage de Maria Braun (1978) avec Hanna Schygulla qu'il rencontre enfin son public. À l'aube des années 80, il tourne des oeuvres plus contrastées comme L'Année des treize lunes, Berlin Alexanderplatz, Lili Marleen, Lola, une femme allemande et Le Secret de Veronika Voss. Dernier film, Querelle (1982). Ultime consécration à Berlin en février 1982 : l'actrice Rosel Zech et Fassbinder reçoivent l'Ours d'or pour Le Secret de Veronika Voss. Rainer Werner Fassbinder disparaît subitement le 10 juin 1982 à l'âge de 37 ans.
La plupart des études sur Fassbinder insistent sur la sa personnalité provocatrice et y trouvent les ressorts de sa productivité frénétique. Cherchant plutôt la "vérité" de Fassbinder dans l'analyse approfondie des films, Thomas Elsaesser met en évidence l'extraordinaire richesse des personnages et des sentiments, la capacité du cinéaste à saisir milieux et classes sociales. Il révèle ainsi toute l'importance de cette oeuvre qui dessine un portrait complexe, mêlant compassion et cruauté, de l'"âme" ouest-allemande pendant les premières décennies qui ont suivi le régime nazi. L'auteur tend à montrer que le regard unique de Fassbinder sur l'homme, la société, la politique et l'idéologie, son sens aigu de l'Histoire parlent aussi de l'Allemagne d'aujourd'hui, de la nouvelle Europe et des défis culturels auxquels elle est confrontée.