À l'origine, l'idée est simple. On ne parle pas plus que l'on n'écrit sur les objets réparés. Mais tout se complique lorsqu'on s'interroge sur le sens des mots.
On répare une calebasse cassée. Mais répare-t-on aussi la Mosquée de Djenné ? Les poteaux qui sortent du corps de cette mosquée sont en même temps des éléments structurels inhérents à sa construction, et des marches permettent de la parcourir lorsqu'il est nécessaire de la remettre en état.
En Occident, on ne répare pas une cathédrale ; on la restaure ou on la consolide, et l'on détruit des gratte-ciels pour les remplacer par d'autres.
Si un récipient percé ou cassé ne remplit plus sa fonction, il doit être réparé ou remplacé. Mais à partir de quel degré de dégradation un masque ou une statue perdent-ils leur fonctionnalité rituelle ? Et par quel type d'intervention peut-on réinstaurer cette fonctionnalité ? La réparation a-t-elle ce seul objectif ou vise-t-elle seulement à empêcher la dégradation ultérieure de l'objet ?
Il est aussi des interventions dont le résultat ressemble à s'y méprendre à une réparation et qui, pourtant, ne sont qu'ajout, simple décor. Parfois même, ce qui apparaît comme une réparation n'est qu'une partie constitutive de la structure d'origine de l'objet. Par exemple, une grosse ligature de ficelle qui couvre la jambe d'une statue peut être le simulacre d'une maladie.
Dans une harpe, on remplace les cordes, et si une clé casse, on la remplace aussi, mais s'agit-il de réparation ou d'entretien ? En revanche, si un rat mange la peau de la table qui entoure l'ouie, on recoud un morceau de peau et il s'agit bien de réparation.
Et si l'on colmate une fente dans une statue, avec du tissu ou de la résine, peut-on encore parler de réparation ? Enfin, pouvions-nous penser que les dieux allaient s'en mêler ? Chaque religion, chaque culture donne un sens différent à l'objet, à ses blessures, à ses réparations.
Ainsi, le concept apparemment simple et univoque de " réparation " nous apparaît-il progressivement dans toute sa complexité.