Avant sa découverte de la Provence en 1949, c'est en terre roussillonnaise qu'Édouard Pignon, l'homme du Nord, sans renoncer complètement à la déconstruction des formes et à la Fragmentation des espaces issues du cubisme, fait face à la lumière méditerranéenne et initie une nouvelle méthode de travail fondée sur la sérialité pour entreprendre une nouvelle peinture qui marque à l'évidence un tournant décisif dans l'oeuvre de celui que certains critiques jugent alors comme " l'un des meilleurs peintres de sa génération ".
Depuis 1942, Edouard Pignon participe régulièrement à des expositions de groupe. Dans le même temps, il a vu sa peinture fréquemment commentée par la critique qui a repéré son style à la force vibrante, reposant sur un solide talent de coloriste. Depuis L'Ouvrier mort (1936) qui a fait sensation pour la qualité de son emprise sur l'actualité, le jeune peintre engagé, " fou d'art moderne ", ancien ouvrier chez Citroën et Renault, illustrateur et metteur en pages pour hebdomadaire Regards, s'est passionné pour le nombre d'or et a peint plusieurs tableaux nourris de l'étude des maîtres, de la géométrie et de la recherche de la réalité. Considéré avec d'autres peintres de sa génération comme l'une des figures montantes de la jeune peinture française - il est l'un des fondateurs du Salon de mai - il commence pourtant à se sentir de plus en plus à contre-courant et à éprouver le besoin d'une mise à distance. Dès lors, son premier séjour à Collioure, durant l'été 1945, arrive au meilleur moment pour celui qui souhaite ardemment s'extraire d'un environnement parisien qui prend alors trop d'importance à ses yeux.
Nul doute que le face-à-face avec la lumière méditerranéenne ait joué un rôle déterminant dans la mise en place d'une nouvelle méthode de travail fondée d'abord sur l'observation du motif dont l'abondante production de dessins à l'encre et au crayon rend compte aujourd'hui. C'est la vie quotidienne qui retient l'attention de l'artiste, notamment celle qui règne autour du port au momento des retours de pêche, avant que son regard ne glisse vers la femme catalane qui elle seule occupera, pour en devenir la figure emblématique, les oeuvres peintes sur toile à l'atelier, la plupart au cours de l'année suivante, en 1946. Dans les huiles, Edouard Pignon abandonne l'utilisation de la riche palette qui a été jusqu'ici la sienne pour des tonalités souvent plus sobres où le noir, le gris et le blanc s'associent à des bruns jaunes ou orangés parfois relevés de touches de rouge vif, de jaune éclatant ou de bleu-vert.
Refusant l'abstraction qui s'empare de la peinture de l'immédiat après-guerre, affirmant au contraire son attachement à la figuration - ce qui fera de lui l'un des principaux acteurs de la peinture figurative française jusqu'aux années 1980 - sa série sur les Catalanes lui assure un nouveau statut : celui d'un peintre animé d'un " remarquable désir de renouvellement " dont l'oeuvre déjà accomplie esquisse " les certitudes d'un style et une conviction du réel "