Voyage sans découverte majeure, le voyage de Bougainville, qui avait irrité le très sédentaire Denis Diderot, est un des morceaux majeurs de la littérature géographique française. Tant de textes de voyageurs ont disparu que cette somme de témoignages directement transmis par le navigateur en chef, aidé des jeunes volontaires Fesche et Duclos-Guyot, un chirurgien et un naturaliste, relève du miracle. Un style imagé rend compte des découvertes botaniques jugées fascinantes alors que les autochtones suscitent beaucoup de mépris. On lit de grandes enquêtes sur la Patagonie, la Polynésie et la grande barrière d'Australie, autant d'îles abordées avec la guidance des étoiles.
Véritable trésor ethnographique, l'ouvrage est enrichi par des gravures introuvables, comme le profil de la cucurbite du docteur Poissonnier (1766). La confrontation avec des photos actuelles en couleur sur des paysages ou des objets donne tout son sens à cette édition actuelle, car on expérimente la construction du regard sur l'Autre. D'autres textes, comme le journal du médecin Vivès, des planches de botanique par Commerson donnent une bonne idée de l'état des connaissances d'alors. D'autant que les auteurs ne rechignent pas de parler de sujets d'actualité comme l'expulsion des Jésuites. Un véritable examen des rêves de l'Europe d'avant la Révolution.