Du célèbre trio de peintres baroques flamands " Rubens-Van Dyck-Jordaens " ce dernier est incontestablement celui qui a le plus grand besoin d'une révision critique de son importance dans l'histoire de l'art. Rubens fait toujours l'objet d'importantes publications et expositions actualisant sans cesse la connaissance de sa personnalité. À Van Dyck ont été récemment consacrés tant un catalogue de son oeuvre que d'importants congrès et rétrospectives qui ont apporté des vues nouvelles sur le plan des archives, de la technique picturale et du style. La dernière exposition rétrospective sur Jordaens (à Anvers, au Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, en 1993) a certes été très admirée parce qu'elle présentait une synthèse des recherches menées pendant des décennies par le professeur Roger d'Hulst sur l'art de Jordaens en matière de peinture, dessin et tapisserie. Mais en même temps elle souffrait des " défauts de ses qualités " en ce qu'elle reprenait la conception du XIXe siècle d'un Jordaens artiste bourgeois contrastant avec le courtisan Van Dyck et l'humaniste Rubens.
L'exposition de Bruxelles en 2012 montrera une tout autre facette de Jordaens. Et pas seulement parce qu'une thématique - les Antiques - démontrera que l'image d'un peintre, d'une simplicité bourgeoise s'adressant à un public peu au fait de l'humanisme, ne correspond pas à la réalité. L'exposition mettra aussi l'accent sur l'intelligence stratégique de Jordaens en matière d'image et de marché, sur un terrain thématique où il est le plus souvent considéré comme un disciple servile, sinon vulgaire, de Rubens, un disciple se sentant à vrai dire bien plus à l'aise dans le genre plus populaire du " Roi boit " et des " Jeunes piaillent comme chantent les vieux ". En outre, dans le cadre du Programme Interuniversitaire Pôles d'Attraction, " Social Capital Transfer, Geography and the City ", une attention spéciale est accordée à Jordaens comme exemple de la transmission de la culture antique dans le milieu mercantile et intellectuel de la ville.
Des emprunts de plus de 80 peintures et dessins, des tapisseries et des sculptures provenant de musées célèbres et de collections privées moins connues, allant de l'Espagne (Prado) au Danemark (Statens Museum for Kunst) et de la Grande-Bretagne (Musée de Glasgow) à l'Autriche (Kunsthistorisches Museum), que complèteront les chefs-d'oeuvre de Jordaens conservés à Bruxelles et Kassel montreront non seulement un peintre inconnu du grand public mais aussi un descripteur, d'une qualité insoupçonnée, du trésor littéraire antique allant du " Satyre et le paysan " à " Démosthène cherchant un homme de jour avec une lanterne ". Ce n'est donc pas par hasard qu'après la mort de Rubens, Jordaens fut considéré comme le peintre majeur des Pays-Bas espagnols.
En marge de l'exposition sera organisé en mars 2012 un congrès scientifique international au cours duquel les plus grands spécialistes de Jordaens dans le monde analyseront son style, sa technique picturale, ses débouchés commerciaux et la thématique antique, à l'occasion de conférences et de rencontres réunissant professeurs d'université, conservateurs de musée et restaurateurs.