La Réserve précieuse du département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France conserve depuis 1827 ce qu'il est convenu d'appeler les Notes manuscrites de Pierre-Jean Mariette (1694-1774), marchand d'estampes et de livres, collectionneur d'estampes et de dessins, érudit fameux, descendant d'une dynastie d'importants éditeurs et marchands d'estampes parisiens. Ces documents sont célèbres dans le monde entier (de l'histoire de l'art), parce que quelques fragments en ont été édités au XIXe siècle et que ces extraits sont régulièrement cités. Pierre-Jean Mariette lui-même fait l'objet d'une admiration universelle (dans le même milieu) en grande partie justifiée.
Pour l'essentiel, ces Notes datent du XVIIIe siècle et se composent des tables détaillées pièce par pièce de deux collections capitales d'estampes, plus particulièrement françaises, constituées par la famille Mariette. La première est bien connue : formée au début du XVIIIe siècle pour le prince Eugène de Savoie, elle est conservée dans son intégralité à l'Albertina Graphische Sammlung de Vienne. La seconde avait été créée un peu plus tard pour le roi de Portugal Jean V, mais elle a disparu à l'occasion du tremblement de terre de Lisbonne en 1755 ; on ignorait jusqu'à une date récente qu'elle était dans sa plus grande partie décrite dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale de France.
Découlant logiquement de cette découverte dont le mérite revient à Marie-Thérèse Mandroux-França, l'idée était de reconstituer virtuellement la collection portugaise à partir des tables, dans l'espoir d'en retrouver des éléments sur le marché ou dans des collections diverses. Une convention établie entre la Bibliothèque nationale de France, la Fondation Calouste Gulbenkian et la Fondation de la Maison de Bragance, a permis la publication en trois volumes des tables et de quelques essais explicatifs.
Ces tables décrivent 118 volumes, dont 101 témoignent de la vitalité de la peinture et de l'estampe françaises au XVIe et au XVIIe siècle, de Boyvin à Drevet (manquent malheureusement les volumes de Poussin, de Le Brun et de Mignard) ; 9 répertorient les gravures de paysages, d'animaux et de fleurs ; 8 enfin rendent comptent des estampes d'après Rubens. Dressées par le seul vrai connaisseur de l'estampe dans le monde du XVIIIe siècle, ces tables rendaient depuis longtemps des services inappréciables aux chercheurs, qui étaient cependant contraints de venir à Paris pour les consulter. Leur publication in extenso, par les soins de Maxime Préaud, conservateur général au département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France, et de Philippe Rouillard, attaché au même département, qui en a également dressé l'indispensable index, constitue un incontestable progrès dans le développement des études sur l'estampe.